Un jour je ne serai plus

Autrement dit, je serai mort.


Mais pour l’instant, je suis vivant.


Ce que je vois bouge, en opiniâtre mouvance,

Et je suis partie prenante de ce tourbillon,

Comme je l’active et comme il m’active.


Cause à effet, n’est-ce pas ?


Si je vis comme créature en éclosion permanente

Je peux me laisser à croire que la mort

N’est ni plus ni moins que l’équivalent des visages diverses qui rendront compte de mon existence.


Je suis donc infini dans ma propre spirale.


Je n’aspire pas à quitter ce monde prochainement,

Mais je ne dois pas refuser au privilège de la vie

La finalité de sa genèse préétablie.


De quoi sommes-nous apeurés pour ne pas la pré-célébrer avec nos cœurs battants ?

Pourquoi n’aurais-je pas la hâte de consumer ma mort, plutôt que de vouloir la fuir, alors qu’encore vivant ;

Sans pour autant la souhaiter dès maintenant.


Je vis donc je meurs,

Je meurs donc je vis.


Une boucle déjà tracée,

Un cycle perpétuel,

Le début et la fin,

La chose et son contraire.

La seule chose qu’on sache vraiment.


On parle souvent de la vie après la mort,

Mais peu de la mort avant la vie.


Avant d’être je n’étais pas

Et je n’avais pas peur,

Et un jour je ne serai plus

Et je doute de ce destin.


Mais puisque que j’ignore mon sort post-mortem,

Je préfère ne pas raisonner au-delà de cette fin charnelle et terrestre.

Je préfère réfréner mes attentes avec ce statut toujours inconnu, mais tangible,

Qui se languit d’une étreinte lente, mais prenante.

Je préfère faire cela, sans quoi,

Je ne serais plus apte à vivre, dans ma vie, et ensuite, dans ma mort.


Si je ne suis plus,

Là, dans le présent,

Parce que je vis dans un futur abstrait,

Et que bientôt,

Je ne serai plus,

Là, hier encore,

Alors j’aurai déjà laissé mourir ma vie un peu plus vite.


Pourquoi vivre au conditionnel

Quand le présent s’impose comme impératif.


L’essence humaine ne repose-t-elle pas dans la gestion de nos activités émotionnelles ?

Les sentiments ne sont-ils pas, bien qu’inobservables et indéfinissables, générateurs de nos désirs ?

Lorsque je ne ressens rien, suis-je éteins ?

Ce que je ne n’arrive pas à concevoir ne peut m’émouvoir.

Peut-être.


Peut-être, aussi, que le rien est ultime,

Qu’il renferme, dans sa totalité, rien,

Mais à la fois, tout, surtout dans sa mort,

Telle une nébuleuse qui, de son énergie solaire maintenant achevée,

Donnera naissance à des créations neuves.


La mort évoque surtout une notion de non-contrôle, une idée qui questionne les fondations du raisonnement consciencieux et identitaire humain. Voilà peut-être pourquoi elle nous attriste et fascine tout autant : ne pas être en mesure de faire sens du non-sens comme sens valable et probable.


Enfin…


La découverte n’est-elle pas toujours source de jouissance ? :

La mort comme l’intransigeante expédition originale,

Et peut-être même comme l’originelle.


Voilà maintenant qu’elle m’enchante !


*|*


Aparté ;

Et si rien ne bougeait ?

Que les choses en place restaient inertes

Faisant tout de même état de leur état en étant simplement là,

La vie ne s’enracinerait-elle pas dans la non-action ?

...

Ainsi le rien se suffirait pour être en vie

Comme pour le fait d’être mort.

Finalement,

Comme tout et comme rien,

Comme absolument rien,

Humblement rien.


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